Mardi le 5 mai 2009, les chroniqueurs en vin étaient conviés par Vins Balthazard à une dégustation avec Giampaolo Motta de La Fattoria La Massa au restaurant Graziella dans le vieux Montréal. Son vignoble de Chianti en Toscane produit un vin réputé, le Giorgio Primo. M. Motta avait choisi pour cette occasion une verticale de Giorgio Primo des millésimes 1997 à 2007 afin de nous faire découvrir l’évolution de ce vin au cours des années.
Giampaolo Motta est originaire de Campanie où sa famille oeuvrait comme industrielle dans le domaine du cuir et de la tannerie. Durant ses études en tannerie qu’il effectue en France, Giampaolo Motta se découvre une passion pour le vin. À son retour en Italie, il abandonne le cuir et travaille pour différents producteurs afin d’apprendre le métier de vigneron, avec pour objectif d’acheter un jour son propre domaine. Lorsqu’il décide de faire l’acquisition d’un vignoble il y a une quinzaine d’années, la Toscane est pour lui un choix logique. D’autres régions tel le Piémont ont un climat trop froid et sont moins accueillantes pour un Italien du Sud.
La Toscane est reconnue pour ses grands vins qui dès les années 1970 sont entre autres produits avec des cépages internationaux, tel le Cabernet Sauvignon. Lorsque dans les années 1990, M. Motta prend en main la production du domaine qu’il a acheté, son principal objectif est de produire un grand vin. À l’origine un Chianti Classico composé à 97% de Sangiovese, le Giorgio Primo passera ainsi graduellement à un assemblage des cépages Merlot, Cabernet Sauvignon, Sangiovese et Petit Verdot jusqu’à devenir aujourd’hui un vin IGT. M. Motta nous a expliqué que l’utilisation de cépages bordelais (Merlot et Cabernet Sauvignon) était selon lui un choix logique pour l’élaboration de grands vins de garde.
Selon M. Motta, le Sangiovese produit des vins trop rustiques et aux tanins rudes : « Ces tanins sont comme de la barbe. Et ils ne s’assouplissent jamais. Comment voulez-vous faire un vin fin avec de tels tanins? » Le terroir de Toscane est exceptionnel et il faut selon M. Motta ne pas se limiter au Sangiovese pour produire des vins exceptionnels. Pour cette raison, M. Motta ne fait pas l’unanimité en Toscane, surtout quand il prétend ?qu’on ne peut faire une formule 1 avec un âne?, l’âne étant le célèbre cépage Sangiovese? Sa façon de penser non conformiste et son sens de l’innovation affectent également ses relations avec la Presse italienne. Il nous a confié ne pas avoir donné d’échantillons de vins aux journalistes italiens cette année. Une des raisons invoquée est que la Presse ainsi que les guides du vin italiens obligent les producteurs à participer à de coûteuses dégustation s’ils veulent que leurs vins soient évalués par les journalistes.
Il a aussi partagé avec nous d’autres opinions intéressantes à propos des vins italiens. Par exemple, à propos des Brunellos de Montalcino dont la réputation est à son avis surfaite, en particulier le millésime 97. Ces vins sont de bons vins de garde mais ne se bonifient pas selon lui comme de grands Bordeaux. Il y a selon lui trop de producteurs à Montalcino et un grand nombre d’entre eux tentent de produire de grands vins trop rapidement en mode ?fast track?, sans vision à long terme pour la gestion de leur vignoble.
À propos des vins agrobiologiques, M. Motta n’est pas tout à fait d’accord avec les méthodes utilisées. Par exemple, il est préférable selon lui de traiter comme il le fait les vignes au début de la saison avec un produit non biologique que d’arroser les vignes avec du souffre ou d’autres produits à chaque fois qu’il pleut. Tous ces produits se retrouvent dans la nappe phréatique et polluent l’environnement. La culture agrobiologique n’est donc pas si écologique à son avis?
Lors de la dégustation verticale du Giorgio Primo, nous avons pu constater la vision à long terme de M. Motta qui a commencé à planter dès le début des vignes de Merlot et de Cabernet Sauvignon. Son but ultime était de produire de meilleurs vins de garde mais aussi des vins qui représentent le plus possible sa personnalité. Les vins des premiers millésimes sont à son avis de bonne qualité mais ce sont les 2006 et 2007 dont il est particulièrement fier. Ces derniers sont les seuls ayant une si grande proportion de cépages bordelais, soit 30% Merlot, 30% Cabernet Sauvignon et 10% Petit Verdot, le reste étant du Sangiovese.
Les millésimes 1997, 1999, 2000, 2001 portent l’appellation Chianti Classico et représentent à mon avis très bien ce que l’on s’attend d’un bon Chianti. Les 1997 et 1999 sont de couleur cerise avec des reflets tuilés et possèdent un nez qui où se mélangent des arômes de cerise, d’herbe et de cuir. Les tannins sont très présents mais ils se sont adoucis avec le vieillissement. Pour 2000 et 2001 la couleur est cerise foncé et au nez, ces deux vins présentent des arômes de cerise et de vanille. Des parfums de truffes et de sous-bois apparaissent également, trahissant la présence croissante du Merlot. En bouche le fruit est plus dominant et les tannins sont assez fermes. Dans cette série portant l’appellation Chianti Classico, c’est le Giorgio Primo Chianti Classico 2000 que j’ai préféré par sa finesse et son équilibre.
À partir du millésime 2004, le changement de philosophie du vignoble se fait davantage sentir (seulement 50% de Sangiovese). Le Giorgio Primo Toscana i.g.t. 2004 est rubis foncé, avec des arômes de fruits noirs, d’herbe, de café, de vanille et empyreumatique, de bons tannins et une belle longueur fruité en bouche. Un de mes préférés lors de cette dégustation! Pour les millésimes 2006 et 2007, la proportion de cépages bordelais passe à 70%. La robe est grenat avec des reflets violacés, ils sont tellement denses et concentrés qu’ils tachent le verre! Juste à leurs nez fruités et jeunes de baies noirs, d’épices, de poivrons et de vanille, on perçoit déjà leur puissance. Il s’agit de vins concentrés et tanniques qui accompagnèrent à merveille le carré de sanglier qu’on m’a servi comme dîner. Il sera intéressant de déguster ces vins dans quelques années car ils possèdent un excellent potentiel de garde. À condition de s’en être fait une bonne réserve dans sa cave. Cependant, à 85.00$ la bouteille, ce vin n’est pas accessible à tous les budgets.