Chez les Grecs anciens, la figure de Dionysos est connue comme la personnification de la vigne et de la gaîté que procure le vin.
« Son culte frénétique, caractérisé par des danses désordonnées, une musique enivrante et des orgies de vin, semble avoir pris naissance chez les tribus barbares de la Thrace, qui s’adonnaient à la boisson » (Frazer, 1983 :26).
Avec l’expansion de ce culte dans la société grecque, Dionysos, fils de Zeus et de Semelle devient rapidement l’une des forces de la nature. Il est associé à la fertilité, mais à la fertilité surabondante, à l’excès, à la folie, à la perversion des normes, et enfin, à la mort. Ses cultes sont des rites de renversement.
Dionysos est, « le grand prêtre du mystère qui transforme le jus sucré de la vigne en une boisson alcoolique » (Lachiver, 1988 :49).
C’est un dieu dangereux. La confection du vin est également dangereuse et les mystères de la fermentation sont à conduire avec beaucoup de doigté. C’est un métier auquel il faut être initié avec précaution si on ne veut pas être entraîné dans la démence ou la mort. Ceux qui s’y adonnent imprudemment sont réputés devenir fou.
La consommation du vin aussi est un long apprentissage dont la connaissance n’est pas donnée à tous les peuples. Il ne faut jamais boire le vin pur, mais toujours mélangé à l’eau, autrement il « brûle ».
Chez Hérodote, les frontière entre le monde civilisé et les barbares sont délimitées, entre autre, par la différence entre ceux qui savent boire et ceux qui ne savent pas, les barbares buvant leur vin non-additionné d’eau.
L’art de tirer de la vigne, par une culture savante, des vins de haute qualité est propre aux sociétés les plus civilisées:
Dans l’Odyssée, le Cyclope -un pasteur buveur de lait- ignore Zeus, la loi, la cité et le vin. C’est en faisant connaître le vin au Cyclope, que ce dernier boit sans précaution, qu’Ulysse arrive à l’endormir, à lui crever l’œil et à se sauver avec ses compagnons, cachés sous les moutons.
Outre la vinification, la principale expression de la viticulture savante est la taille de la vigne :
« Planter des vignes qui seraient ensuite abandonnées à leur croissance naturelle, comme celle qu’utilisèrent les peuples préhistoriques, ne serait pas encore faire œuvre de viticulteur. La viticulture n’apparaît vraiment qu’avec la taille de la vigne » (Dion, 1959 :81).
La viticulture est un art, et cet art n’est pas donné à tous. Ce n’est pas la vigne que les grecs implantèrent dans leurs colonies du pourtour méditerranéen, elles y poussaient déjà à l’état sauvage, c’est la civilisation de la vigne.
- Celle-ci se perpétuera à travers le monde romain où elle se transformera, particulièrement à partir du 4e siècle, avec l’instauration officielle du christianisme par Constantin en 313.